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Souvenirs du Voyeboeuf - 13e partie

lundi 10 août 2020

Alors que les travaux  de  transformation et de  rénovation de la patinoire du Voyeboeuf – future Raiffeisen Arena – vont  bon train, nous avons pris langue avec quelques personnes pour qui cette mue conséquente développe  une saveur particulière. Aujourd’hui nous vous proposons une entrevue avec Hervé de Weck, membre du groupe d’études de la patinoire, membre du comité (1973-1985) et président du club (1983-84).

 

De quelle manière un professeur à l’Ecole cantonale de Porrentruy a-t-il été amené à s’engager dans le projet de la construction d’une patinoire couverte à Porrentruy ?

 

Habitant Fribourg jusqu’en 1960, ma famille déménage à Porrentruy, j’ai alors 17 ans. Comme les gamins du quartier de Pérolles, j’avais fait du hockey sur un bras mort de la Sarine. Des marianistes canadiens francophones d’un séminaire tout proche jouent avec nous et nous apprennent les finesses de ce sport.

A Porrentruy en 1970, je découvre un jour une annonce dans le journal qui invite à une séance organisé par le PDC, au cours de laquelle on discutera de la construction d’une patinoire dont le champ serait en plastic, pas en glace.  Un certain Charles Corbat, que je ne connais pas du tout, fait remarquer qu’une patinoire «politique» ne peut aller qu’à l’échec  et qu’une surface en plastic ne permet pas de faire du hockey. Il m’aborde, me tutoyant d’emblée, et me dit qu’il a besoin de quelqu’un,  bon organisateur (je suis capitaine dans les troupes blindées) et qui sait rédiger.  Je suis embrigadé dans le Groupe d’étude, chargé avec mon épouse Claudine du secrétariat et de la comptabilité. Charly devient un grand ami auquel je pense encore tous les jours. Je lui dois tout ce que je sais faire en gestion et en négociation et en comptabilité.

Sous sa conduite, le Groupe d’étude, soigneusement pondéré politiquement , fait souscrire en l’espace d’une année pour 780'000 francs d’actions de 100 francs par les communes, les entreprises et les privés de la région. Heureusement qu’en Suisse nous étions en période de forte inflation, cela nous a facilité la tâche. Il fallait parvenir à un tel résultat, car les subventions restaient très limitées. Ce succès, on le doit en grande partie à Robert Coullery qui réussit à faire campagne – miracle ! – dans les deux journaux régionaux, Le Pays et Le Démocrate, à une époque où les rouges et les noirs ne cessent de s’affronter.

La commune de Porrentruy, après décision de l’assemblée communale, prend pour 100'000 francs d’actions et met le terrain du Voyeboeuf à disposition sous forme de droit de superficie. Certaines communes ne souscrivent que 100 francs, car leurs responsables ne se sentent pas concernés par le projet. Celle de Roche-d’Or y est même très  hostile ! Il n’y a pas encore un esprit régional en Ajoie et dans le Clos du Doubs comme lors du vote de 2018. J’oserais prétendre que c’est grâce au HC Ajoie qu’une solidarité régionale s’est développée dans le district.

Les travaux commencent en 1971 sans permis de construire, si bien que Charly et moi écopons d’une condamnation qui doit encore figurer en arrière-plan dans notre casier judiciaire. Il me semble que le permis est arrivé le jour de l’inauguration. Autres temps, autres mœurs !

 

Quelques  souvenirs inoubliables du HC Ajoie qui, durant toute son existence, a dû compter sur le soutien des citoyens,  des entreprises et des autorités de la République et Canton du Jura  ?

 

A l’assemblée communale de Porrentruy, le Groupe d’étude assure l’acceptation des points concernant la patinoire en mobilisant le ban et l’arrière-ban des Bruntrutains intéressés par le hockey sur glace. A l’échelle locale, la démocratie directe peut être manipulée !  La commune de Vendlincourt, dont l’équipe de hockey va devenir le HC Ajoie, souscrit pour 20'000 francs d’action. Un de mes collègues de l’Ecole cantonale, déjà âgé et sans enfant, souscrit une somme importante, alors que beaucoup d’enseignants restent sur la réserve. Je n’oublierai jamais les 1'600 spectateurs accourus au match de 2e ligue contre Le Fuet-Bellelay, perdu par le HC Ajoie, ainsi que deux réactions de Charly. Le HC vient de monter en première ligue, le Gouvernement jurassien est présent et Roger Jardin lui remet un chèque avec un chiffre et trois zéros. Et Charly de lui dire : «Monsieur le ministre, n’auriez-vous pas oublié un zéro ?» En revanche, lors de la soirée où le HC rassemble des fonds pour éviter la faillite après deux passages en ligue nationale A, il prend à part l’épouse de Godi Aeschbach qui vient de lui remettre un chèque très important et lui demande discrètement : «Le Godi n’as-t-il pas mis un zéro de trop ?»

 

Après la construction, quel a été ton engagement tant dans la gestion de la patinoire que dans la gouvernance du club ?

 

Au départ, la Patinoire couverte d’Ajoie SA et le HC Ajoie forment un tout avec un comité et une comptabilité. Ils ne reçoivent aucune subvention et le HC doit payer la «taxe des pauvres» sur les billets qu’il vend lors de ses matches de 2e ligue. Claudine et moi, nous nous occupons du secrétariat, des comptes, des locations et de l’engagement  des bénévoles qui travaillent à la caisse. Puis on sépare les deux entités, mais Charly, Robert Coullery et moi continuons à siéger au comité du HC et au conseil d’administration de la patinoire pour laquelle il s’agit, après quelques années, de trouver de quoi combler l’immanquable déficit d’exploitation. La commune de Porrentruy participe au paiement des intérêts hypothécaires et à l’amortissement de la dette bancaire.

L’équipe-fanion du HC Ajoie monte en 1ère ligue, puis en ligue nationale B, enfin, le club risque alors fort de faire faillite, en ligue nationale A. Pierre Richard, présent au banc des joueurs à la fin du dernier match de finale contre Zurich, dit à Dan Métivier qui vient de marquer en prolongation le but de la victoire : « Gros, tu nous a mis dans la m….!»  Si l’équipe fanion et les formations juniors montent dans la hiérarchie de la Ligue suisse de hockey sur glace, si la gestion de toutes les équipes devient plus professionnelle, la gouvernance du HC laisse à désirer. L’enthousiasme et le bénévolat montrent leurs limites. Que le comité central compte 7, 9, 11  membres, il y en a toujours qui parlent beaucoup pendant les séances, brassent de l’air mais ne font pas grand-chose, sûrs que Charly et le «noyau dur» feront le nécessaire. Cela, j’ai eu de la peine à le supporter. Pour une gouvernance moderne et crédible, il faudra attendre le «long règne» de Patrick Hauert, de Claude Girardin et de leurs amis. Je dois ajouter que, depuis la création du HC Ajoie, le soutien du public a toujours été exemplaire.  

 

Dans résultat sans appel de la votation du 2xOUI du 1er juillet 2018, as-tu ressenti les mêmes émotions que lors de la recherche de fonds en 1970 ?

 

En 2018, j’ai ressenti une émotion encore plus vive qu’au moment où le Groupe d’étude célébrait le succès de sa campagne «Souscrire avec le sourire». Avec 780'000 francs de fonds propres, il pouvait lancer la construction de la 7e patinoire couverte de Suisse. Le 1er juillet 2018, toutes les communes d’Ajoie et du Clos du Doubs acceptent le projet d’une patinoire à deux champs de glace, même celles où les maires s’étaient opposés au projet. Avec un tel vote, l’Ajoie et le Clos du Doubs manifestent une volonté régionale que l’on n’avait jamais sentie depuis l’entrée en souveraineté du Canton. Ce magnifique résultat me fait oublier que «ma» patinoire des années 1970, faute d’entretien, va disparaître.  Dans la région, en effet, on n’a pas réussi ce qu’ont fait nos amis des Franches-Montagnes : moderniser progressivement leur centre des loisirs à Saignelégier et même y intégrer un hôtel.

 

En tant qu’ancien dirigeant et membre fondateur, ressens-tu une certaine impatience à découvrir la nouvelle Raiffeisen Arena ?

Je ne vais pas découvrir la Raiffeisen Arena, car j’ai éprouvé de l’inquiétude quand des oppositions se manifestaient, la mise au point du projet dans lequel on n’avait pas oublié le bois (Charly  le souhaitait), j’ai vu avec émotion le démontage des fermes en lamellé-collé qui étaient une technique d’avant-garde au début des années 1970, j’ai suivi avec admiration et régulièrement l’avancement du chantier. Toutes les équipes du HCA disposeront de vestiaires dignes de ce nom et joueront dans une belle patinoire conforme aux normes de sécurité actuelles. Les spectateurs bénéficieront de conditions idéales.

 

Un message à l’intention des dirigeants actuels et des supporters ?

A l’époque où la faillite menaçait le HC Ajoie et la Patinoire couverte d’Ajoie, Charly Corbat lançait le slogan « HC Ajoie j’y crois ! » Dans un tout autre contexte, on pourrait le reprendre aujourd’hui car, bénéficiant d’une telle patinoire, le HCA, qui connaîtra bien entendu des hauts et des bas, peut viser les premiers rangs en LNB et, pourquoi pas, la Coupe de suisse. La finale, on ne la jouera plus à Lausanne mais à Porrentruy !

Vous, les membres du comité central, n’oubliez pas de manifester votre reconnaissance et votre amitié aux bénévoles qui assurent la vie du club. Par exemple, savez-vous que quelques vétérans assurent depuis quarante ans le service au banc des pénalités ?

 

 

Un grand merci à Hervé pour sa disponibilité, son engagement et son soutien au HC Ajoie !

 

Entretien réalisé par Jean-Louis Gigon, responsable communication HCA

 

 

Statistiques

Légende
M
Matchs
B
Buts
Bs
Buts (supériorité numérique)
Bi
Buts (infériorité numérique)
A
Assists
+/-
Plus / Moins
Pe
Penalité en minutes
Min
Temps joué en minutes
Sr
Nombre de shoot reçu
Be
Buts encaissés
Bb
But encaissé en box-play
Mc
Matchs commencés par le gardien
Me
Matchs où le gardien est entré en cours de jeu
Ms
Matchs où le gardien est sorti en cours de jeu

Highlights

Meilleur(s) buteur(s)
Meilleur(s) assist
Le plus pénalisé
Le meilleur +/-